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En salle le
21 octobre 2020
De
A. Dupontel
Avec
V. Efira, A.dupontel, N. Marié
Genre
Comédie (1h27)
Distributeur
Pathé
Lorsque Suze Trappet apprend à 43 ans qu’elle est sérieusement malade, elle décide de partir à la recherche de l’enfant qu’elle a été jadis forcée d’abandonner. Sa quête administrative va lui faire croiser un quinquagénaire en plein burn out et un archiviste aveugle.
Trois ans après le choc césarisé de « Au revoir là-haut », Albert Dupontel revient avec une comédie noire furieusement ancrée dans notre époque.
Bien que « Adieu les cons » soit très différent, on y retrouve le cocktail de burlesque et d’émotion qui caractérisait « Au revoir là-haut »…
Albert Dupontel : L’idée du mélange des genres était en effet mon ambition de départ. De Chaplin à Terry Gilliam en passant par Ken Loach, les films qui m’ont marqué véhiculent beaucoup ces deux sentiments. J’essaie de m’en faire l’écho. Mais quel que soit mon « sérieux », j’essaie surtout d’être distrayant. Le propos est grave mais l’ambition est que le spectateur voyage.
Comment est né le film ?
De l’envie de commenter, à ma façon comme toujours, le monde qui m’environne. Pour cette histoire, je suis parti de l’idée d’opposer deux « combles » : quelqu’un qui veut vivre mais qui ne peut pas à quelqu’un qui pourrait vivre mais qui ne veut pas.
Pourquoi vous y êtes-vous encore donné un des rôles principaux ?
À la différence d’« Au revoir là-haut », je m’étais dès l’écriture destiné ce personnage car je comprends très bien les émotions d’un inhibé dépressif. Pour l’interprétation, il m’a suffi de regarder Virginie Efira et d’écouter Nicolas Marié, mes deux compagnons de jeu.
Virgine Efira, justement…
Elle s’est prêtée avec beaucoup d’humilité au jeu des essais. Je l’ai trouvée épatante, ce qu’a confirmé la caméra. Un mélange populaire, sexy, émouvant. L’incarnation du personnage de Suze lui appartient. Je n’ai eu qu’à surfer sur ses larmes. De surcroît, elle dégage à l’image une tendresse et une humanité que j’ai, aux rushes, accueillis avec ravissement. Ce qui m’intéressait, c’était de raconter la détresse de cette femme qui va rencontrer plein de bras cassés sur son parcours, face à une administration indifférente et numérisée. Suze va libérer ce petit monde sur son passage, désinhiber mon personnage et révéler l’amour fou pour la vie qu’a celui de Monsieur Blin qu’incarne Nicolas Marié.
Vous avez évoqué plus haut Terry Gilliam, et « Adieu les cons » rend un hommage évident à « Brazil ».
Ce film a été fondateur en ce qui concerne ma vocation dans le cinéma. J’y ai vu à l’époque tous mes rêves et tous mes cauchemars. La prophétisation sombre et joyeuse de Terry sur le monde qui venait me paraissait à l’époque d’une justesse incroyable et correspondait à un ressenti très fort. Je lui rends modestement hommage dans ce film en racontant les mêmes déviances kafkaïennes du monde de maintenant et j’y ai ajouté quelques clins d’œil, d’où le fait d’avoir nommé les personnages Kurtzman, Tuttle, Lint… Les « Braziliens » comprendront ! Quand je lui ai fait lire le scénario en lui proposant le petit rôle du vendeur d’armes, il m’a dit : « Ton film est aussi improbable que la réalité, je viens ».
Vous dédiez par ailleurs le film à Terry Jones, un autre membre éminent des Monty Python.
Terry Jones a été le premier des Monty Python que j’ai connus, après la sortie de « Bernie ». Il m’avait demandé une VHS pour voir le film, puis j’ai reçu deux lettres de lui, me disant qu’il l’avait beaucoup aimé le film mais qu’il n’avait pas encore tout vu ! Sa considération à mon égard m’a fait un bien fou. Que le metteur en scène des Monty Python vienne ensuite incarner Dieu dans mon deuxième film « Le Créateur » a été pour moi un véritable aboutissement. Une de mes boucles était bouclée. Sa faconde, sa culture, sa gentillesse, son humour me manquent énormément.
Quels ont été vos partis pris de mise en scène ?
Je souhaitais me concentrer surtout sur une « narration émotionnelle », en conséquence mettre l’énergie sur l’incarnation de ces émotions avec les acteurs. Pour ce faire, le film se passant pour moitié de nuit, je suis resté en studio, sur fond bleu, imaginant et racontant les décors à défaut de les avoir. Ça m’évitait le labeur d’un tournage de nuit d’un décor naturel peu maîtrisable. Et surtout, je souhaitais poétiser et magnifier le plus possible ces décors urbains, souvent sinistres, afin qu’ils m’aident à raconter ce conte.
Comment s’est déroulé le tournage ?
Cela a été un tournage facile. Mon ambition était d’exhiber des émotions impudiques, qu’elles soient miennes ou celles des acteurs. Ça a été intellectuellement un vrai lâcher-prise et physiquement un peu fatigant, du fait de la canicule récurrente de ces dernières années. Comme si cette météo excessive me poussait à raconter au plus vite ces histoires…
Et l’écriture du scénario ?
Écrire a toujours été difficile pour moi. Je passe dix-huit mois à réécrire la même histoire depuis vingt ans. Je suis un « Sisyphe narratif », avec de surcroît le rocher qui me tombe sur la tête. À vrai dire, je pense que nous avons tous en nous beaucoup d’histoires : la difficulté pour moi consiste à les extirper de ma confusion mentale.