
En salle le
30 septembre 2020
De
James Erskine
Genre
Documentaire (1 h 38)
Billie Holiday est l’une des plus grandes voix de tous les temps. Elle fut la première icône de la protestation contre le racisme ce qui lui a valu de puissants ennemis. À la fin des années 1960, la journaliste Linda Lipnack Kuehl commence une biographie officielle de l’artiste. Elle recueille 200 heures de témoignages incroyables : Charles Mingus, Tony Bennett, Sylvia Syms, Count Basie, ses amants, ses avocats, ses proxénètes et même les agents du FBI qui l’ont arrêtée… Mais le livre de Linda n’a jamais été terminé et les bandes sont restées inédites … jusqu’à présent. « Billie » est l’histoire de la chanteuse qui a changé le visage de la musique américaine et de la journaliste qui est morte en essayant de raconter l’histoire de Lady telle qu’elle était.
Il était une voix
Merveille absolue de documentaire musical, le film reconstitue le destin sublime et déchirant de la diva de la soul Billie Holiday. Un projet d’une folle ambition que vous raconte son réalisateur Jams Erskine.
CHASSE AU TRÉSOR
« L’histoire de ce film commence avec le producteur Barry Clark-Ewers qui m’a appelé un jour pour me demander s’il y avait un film sur une personnalité du monde de la musique que j’avais envie de faire. Immédiatement, l’histoire de Billie Holiday m’est venue à l’esprit : j’avais toujours trouvé sa voix tout à fait envoûtante et j’avais beaucoup lu sur sa vie extraordinaire. Au cours de ces lectures, je suis tombé sur le mystère de la journaliste Linda Lipnack Kuehl, qui avait mené plus de deux cents heures d’interviews en vie d’écrire une biographie de Billie. Je savais que quelques écrivains avaient eu un accès limité à quelques transcriptions imprimées de Linda, mais je n’avais aucune idée si les bandes elles-mêmes existaient vraiment. Barry m’a dit qu’il allait partir à la chasse et, en quelques semaines, il avait retrouvé les bandes en possession d’un collectionneur du New Jersey qui avait acquis les œuvres de Linda auprès de sa famille à la fin des années 1980 – un véritable trésor de cent vingt-cinq bandes audio ainsi que le manuscrit non publié de Linda. Barry a négocié une option et nous nous sommes envolés pour New York pour passer deux jours à écouter les bandes non diffusées dans un studio, afin de vérifier qu’il y avait bien quelque chose sur ces bandes vieilles de près de cinquante ans.
BANDES À PART
Ce que nous avons entendu était merveilleux. Les voix de Charles Mingus, Tony Bennett, les copains d’enfance de Billie Holiday et des agents du FBI, dérivant et souvent crépitant à travers le temps des cafés, restaurants et boîtes de nuit des années 70 où Linda les a enregistrées. Certaines de ces cassettes étaient désagrégées, d’autres à peine compréhensibles, mais beaucoup se sont révélées des perles rares. Nous avons commencé le processus de transfert numérique des bandes – et à déterminer quels dialogues utiliser pour raconter l’histoire de Billie – pour à la fois explorer les contradictions de sa vie et donner la place qui revient à son génie d’interprète. Pendant le développement du film, nous nous sommes rapidement rapprochés des héritiers de Billie Holiday pour nous assurer qu’ils étaient d’accord avec le projet. Ils ont accepté de nous aider pour garantir la véracité de l’histoire. Cela nous également permis d’obtenir la musique dont le film avait besoin – le génie de Billie était sa voix et, contrairement à un livre, le grand atout était de pouvoir voir et entendre Billie – pour emmener le public dans le temps, dans les « cabarets clubs » des années 1940 et pour vibrer en voyant Billie en direct.
EN COULEURS
Notre équipe de chercheurs s’est mise en quête des bonnes archives pour raconter l’histoire. Nous savions qu’il y avait peu d’images de Billie, mais nous voulions être sûrs de pouvoir remonter à la source, si possible, en retrouvant des tirages 16 mm et 35 mm oubliés depuis longtemps. Pour les photos, nous avons contacté non seulement des agences mais aussi des centaines de photographes et leurs descendants pour essayer de trouver des images qui n’avaient jamais été vues auparavant, notamment certains clichés de Jerry Dantzic, et les trois photos qui ont été prisés la dernière fois que Billie est montée sur scène. Une des plus grandes décisions, c’était celle de coloriser le film. Heureusement, je suis tombé sur l’œuvre de la brillante Marina Amaral et sur son best-seller « Color of Time ». Marina a fait quelques tests d’images pour nous et j’ai été époustouflé. Son talent nous a transporté dans le passé et permis de voir de nos propres yeux le monde de Billie.
L’AUTRE FEMME
Nous avons construit l’histoire de Billie en essayant de donner un sens à son énigme et de faire en sorte que le film ne soit pas seulement « sur » elle, mais qu’on sente sa présence tout au long de son parcours. Ce qui était essentiel pour moi, c’était de m’assurer qu’il y avait assez de place dans le film pour s’asseoir et admirer son pouvoir, son génie, et aussi de faire en sorte que le public comprenne que l’histoire de Billie est racontée à travers les chansons qu’elle a chantées. Prendre la narration de Billie, la mélanger à une structure musicale cohérente, puis retracer sa vie et son image changeante était l’essence du film. Mais il y avait un autre angle que nous voulions explorer, l’histoire de Linda Lipnack Kuehl et pourquoi les bandes n’avaient jamais été écoutées auparavant. Le collectionneur auprès duquel nous avions acquis les cassettes, Toby Byron, n’en savait pas beaucoup, on lui avait dit qu’elle s’était suicidée avant de finir le livre, mais nous voulions savoir pourquoi – qu’est- ce qui l’avait poussée à faire cela ? Était-ce le livre, la tragédie de l’histoire de Billie, et était-ce même un suicide ? Là encore, Barry, le producteur, s’est mis à la tâche et a commencé à rechercher les proches de Linda, l’objectif étant d’établir un lien avec Myra Luftman, la soeur de Linda, dont nous savions juste qu’elle était une enseignante à la retraite. Barry a contacté plusieurs de ses anciens collègues et nous avons fini par établir le lien. Les Luftman étaient nerveux à l’idée de parler ; la perte de Linda était clairement une blessure profonde dans leur famille, mais ils m’ont gentiment permis de passer du temps avec eux et nous avons noué une amitié. Myra, son mari Jerry, et leurs fils Douglas et David, ont compris que le film était une façon de préserver l’héritage de Linda, et ont commencé à nous raconter des histoires sur elle – qui jusqu’alors n’était qu’une voix fantomatique sur une cassette. Ils ont commencé à nous expliquer pourquoi Linda, en tant que personne travaillant à la défense des droits des femmes, avait commencé son voyage et les complications qui l’ont affectée en cours de route. C’était une histoire incroyable et émouvante. Ils ont aussi gentiment partagé leur collection de films maison pour que je puisse vraiment faire entrer visuellement Linda dans le film.
BOUCLER LA BOUCLE
Nous avions donc entre nos mains l’histoire de deux femmes et de leurs luttes pour dire la vérité sur le monde tel qu’elles le voyaient. C’était fascinant, mais très complexe de trouver le moyen de réunir les deux et de faire en sorte que le film soit très clairement l’histoire de Billie mais aussi celle de Linda. Billie, est l’histoire d’un génie qui s’est battu avec acharnement contre ceux qui voulaient l’écraser pour avoir osé chanter la vérité. »
James Erskine