à la une

« C’est un pur thriller d’époque, mais aussi un film nécessaire. » – Jean Dujardin

J’accuse

En salle le

13 novembre 2019

De

R. Polanski

Avec

J. Dujardin, L. Garrel, E. Seigner

Genre

Drame (2h12)

Distributeur

Frenetic

Une fois nommé à la tête du contre-espionnage, un colonel va découvrir que les preuves contre le Capitaine Alfred Dreyfus avaient été fabriquées. A partir de cet instant et au péril de sa carrière puis de sa vie, il n’aura de cesse d’identifier les vrais coupables.

Grand Prix du Jury au dernier Festival de Venise, l’affaire Dreyfus vue par Roman Polanski donne lieu à un magistral suspense historique où Jean Dujardin mène l’enquête sur une des erreurs judiciaires les plus retentissantes du XXe siècle.

Avant de l’interpréter dans « J’accuse », que saviez-vous de Georges Picquart, ce haut gradé de la police française qui, bien que lui-même antisémite, remua ciel et terre pour prouver l’innocence d’Alfred Dreyfus, soldat juif dégradé et envoyé au bagne pour haute trahison ?

Jean Dujardin : Comme beaucoup, j’ignorais totalement son existence jusqu’à ma rencontre avec Roman Polanski. Comme Alfred Dreyfus, il était originaire d’Alsace, il a été le plus jeune lieutenant-colonel de l’Histoire, et il s’est retrouvé coincé entre le marteau et l’enclume : d’un côté sa loyauté à l’armée, de l’autre son attachement viscéral à la vérité. A cette époque, la foi catholique et le rejet des Juifs étaient très répandus en France, mais le fait qu’il soit aussi un soldat a rendu son cas de conscience encore plus intenable. Ce qu’il y a d’extraordinaire en lui, c’est qu’il a été capable sacrifier sa carrière.

Comment vous êtes-vous préparé pour le rôle ?

J’avais déjà tenu des emplois dramatiques, mais jamais rien d’aussi dense et subtil. Qui plus est, je devais entrer pour la première fois de ma carrière dans la peau d’un personnage réel. Alors j’ai suivi les directives de Roman. Je me suis immergé pendant deux mois dans le scénario, j’ai absorbé mon texte à la virgule près, j’ai travaillé avec coach, j’ai répété à en avoir la tête qui tourne et je me suis concentré sur le principal sentiment qui anime Picquart : la rage froide, une émotion qu’on demande très rarement à un acteur d’exprimer. Si on m’avait proposé ce rôle il y a cinq ans, je suis pas sûr que j’aurais osé l’accepter.

Le fait de jouer en costume d’époque a-t-il influencé votre jeu ?

Grâce au « Retour du héros » que j’ai tourné en 2017, je suis à l’aise dans les habits militaires. Mais je ne peux pas dire que le costume m’ait « influencé », sinon mon interprétation aurait doublonné avec ce qu’il traduit déjà. Pendant longtemps, je me suis caché derrière mes personnages. Là, au contraire, j’ai puisé dans ma propre intériorité et dans mes expériences passées.

Comment s’est déroulé votre travail avec Roman Polanski ?

Polanski est le premier maître avec lequel j’ai collaboré. C’est un cinéaste qui exige autant des autres que de lui-même, à savoir une extrême précision de tous les instants. Il faut le suivre et ne jamais dévier de son sillon, sinon il vous tombera dessus : il met son nez partout, aucun aspect du processus filmique ne lui échappe. Il a étudié les Beaux Arts, et il conçoit chaque plan, chaque cadrage, comme un tableau dont le moindre détail doit être parfait : une tenture dans une pièce, une branche dans la forêt… Il faut parfois répéter une scène trente fois pour obtenir la sincérité qu’il recherche. Roman est un homme complexe qui ne laisse personne se mettre en travers de sa route. Pour lui, « J’accuse » est un film aussi fondamental qu’a pu l’être « Le Pianiste ».

Comment définiriez-vous un film aussi riche que « J’accuse » ?

Roman n’est pas un adepte des reconstitutions historiques prétentieuses et platement illustratives. « J’accuse » est un film fondamentalement moderne, un pur thriller d’époque. Mais c’est aussi un film nécessaire, intimement lié aux troubles que notre société traverse en ce moment. Par exemple, nous avons tourné la séquence où la foule brûle les livres d’Émile Zola dans la rue deux jours après qu’on a découvert des graffitis antisémites sur la devanture d’une boulangerie parisienne. Tout au long du tournage, la conscience de ces échos avec notre présent ne nous a jamais quittés. Parce qu’il parle de courage et d’intégrité, « J’accuse » devrait être projeté dans toutes les écoles.