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« Johnny Depp donne envie de s’incliner dès son entrée dans une pièce » – Maïwenn

En salle le
16 mai 2023
De
Maïwenn
Avec
Johnny Depp, Maïwenn, Benjamin Lavernhe
Genre
Drame (2 H)
Distributeur
Frenetic
Jeanne Vaubernier, ambitieuse fille du peuple, met à profit ses charmes pour sortir de sa condition. Son amant, qui souhaite la présenter au Roi, organise la rencontre via l’entremise de l’influent duc de Richelieu. Celle-ci dépasse ses attentes : entre Louis XV et Jeanne, c’est le coup de foudre…
Qu’on se le dise : Johnny Depp est de retour à Cannes en Louis XV amoureux dans « Jeanne Du Barry ».
« Johnnyyyyy ! » On imagine sans peine le tsunami de décibels et le séisme d’applaudissements qui accompagneront la montée des marches de « Jeanne Du Barry », fresque historique signée Maïwenn choisie pour ouvrir le 76e Festival de Cannes. Pourquoi ? Parce ce film très attendu marque le grand retour de Johnny Depp au cinéma après le procès fleuve et ultra médiatisé qui l’opposa durant six ans à sa désormais ex-épouse Amber Heard pour violences conjugales, une procédure aussi captivante qu’impudique au terme de laquelle, bien que condamné à lui payer deux millions de dollars pour « simple » diffamation (un accord post-verdict entre les deux parties a finalement réduit cette somme de moitié), il est ressorti moralement blanchi, voire, pour beaucoup, grandi.
UN SIMPLE E-MAIL
« Il aime beaucoup se transformer, c’est un véritable caméléon : il est toujours très partisan de chercher son personnage », dit la réalisatrice à propos de la superstar qui incarne le roi Louis XV, tandis qu’elle lui donne elle-même la réplique en femme du peuple ambitieuse qui soulèvera le scandale à la cour en devenant sa maîtresse, « une loseuse magnifique qui court à sa perte » comme elle la définit. Il lui aura suffi d’un simple e-mail envoyé à l’agent de Johnny Depp pour obtenir quinze jours plus tard un rendez-vous en tête à tête à Londres. « Je voulais quelqu’un de complexe, à la fois beau et destructeur. Et surtout une personnalité qui donne envie de s’incliner dès son entrée dans une pièce », poursuit-elle. « Tout s’est très bien passé : je l’ai senti généreux, passionné », résume-t-elle au sujet de leur rencontre. Une pandémie de Covid et un retentissant feuilleton judiciaire plus tard, le tour est joué.
EN ROUTE VERS LE SUCCÈS
À bientôt 60 ans (il les fêtera le 9 juin), Johnny Depp n’a donc rien perdu de son aura. En 1984, il fut dès ses débuts au cinéma massacré durant son sommeil par le croquemitaine des « Griffes de la nuit » peu avant d’exploser en jeune flic gominé dans la série « 21 Jump Street ». Pendant un certain temps, il fut aussi une graine de « bad boy » en dévastant les chambres des palaces pour les beaux yeux de sa fiancée de l’époque, la top model Kate Moss. Puis « Edward aux mains d’argent », « Arizona Dream », « Benny and Joon », « Ed Wood », « Dead Man » autre « Donnie Brasco » firent progressivement de lui un acteur de premier plan, du moins aux yeux des professionnels du cinéma. Car, aussi incroyable que ça puisse paraître aujourd’hui, le grand public mettra un certain temps à se l’approprier. Au point que, après l’échec cinglant en 1997 de « The Brave » son premier (et unique) film en tant que réalisateur, les Studios Warner ne le jugèrent pas assez « attractif » pour lui confier le rôle de Neo dans le volet inaugural de « Matrix ». Farouchement indépendant (« J’aime prendre des risques », explique-t-il), on le verra chez le Terry Gilliam du déjanté « Las Vegas Parano » et le Roman Polanski de « La Neuvième porte », mais c’est Tim Burton qui, grâce au gothique « Sleepy Hollow », le propulsera enfin vers un authentique succès commercial.
SALTIMBANQUE
Cependant, après les déconvenues financières de « Blow » et de « From Hell », rien n’aurait pu laisser prévoir en 2003 le phénomène cosmique de « Pirates des Caraïbes – La Malédiction du Black Pearl » qui, non content de lui valoir une très inattendue nomination à l’Oscar du meilleur acteur grâce à la décontraction, au panache et à l’humour insensés qu’il infusa à son personnage de Jack Sparrow, donnera le top départ d’une franchise tout aussi triomphale en cinq volets. « Le plus drôle, c’est qu’en découvrant le premier épisode, le patron des Studios Disney était sorti furieux de la salle en hurlant que mon interprétation allait ruiner le film », s’amuse Johnny Depp. De nouveau cité à l’Oscar pour « Neverland » et « Sweeney Todd », sa trajectoire de saltimbanque charismatique aussi à l’aise dans la fantaisie (« Charlie et la chocolaterie », « Alice au pays des merveilles », « The Tourist », « Les Animaux fantastiques ») que dans toutes sortes d’autres registres plus dramatiques (« Dark Shadows », « Strictly Criminal », « Le Crime de l’Orient Express », « Sctrictly Criminal »), il avait quitté le Festival de Cannes sous les huées qui accompagnèrent « The Brave ». Un quart de siècle plus tard, nul doute que son retour sur la Croisette avec « Jeanne Du Barry » aura une tout autre allure.