
En salle le
18 mars 2020
De
P. Monnard
Avec
S. Spale, J. Hoffmann, L. Mwezi
Genre
Drame (1 h 40)
Distributeur
Ascot-Elite
Printemps 1995. Après la disparition du parc du Platzspitz, plaque tournante de la drogue en plein cœur de Zürich, Mia, 11 ans, et sa mère, Sandrine, s’installent dans une ville idyllique de l’Oberland. Hélas, ce nouveau départ est plus compliqué que prévu.
Un film coup-de-poing qui illustre avec beaucoup de réalisme et d’émotion une des pages les plus sombres de notre histoire récente. Nous avons voulu en savoir plus avec son réalisateur Pierre Monnard.
Votre film évoque « l’enfer zurichois » qu’a longtemps été le parc du Platzspitz : pouvez-vous nous résumer ce qu’il a été ?
Pierre Monnard : Une des plus grandes scènes ouvertes de la drogue en Europe a existé en plein cœur de Zurich. Dès la moitié des années 80, et ce pendant près de 10 ans, trois mille toxicomanes de Suisse et d’ailleurs se retrouvaient quotidiennement dans le parc du Platzspitz pour consommer des drogues, principalement de l’héroïne, avec l’autorisation de la ville.
D’après votre connaissance intime, historique et politique de la Suisse, le « phénomène » Platzspitz aurait-il été le même en Romandie ?
Bien que cette situation aurait pu arriver n’importe où, il est logique qu’elle soit survenue à Zurich. C’est la plus grande ville de Suisse et le Platzspitz est situé de surcroît à côté de la gare. À une époque où les téléphones portables n’existaient pas encore, il fallait un endroit facile d’accès et bien desservi. De plus, la Suisse romande a toujours appliqué une politique répressive en matière de drogue. Une raison supplémentaire qui peut expliquer l’apparition d’un tel phénomène en Suisse alémanique.
Près de 30 ans après son démantèlement, qu’est-ce qui vous a incité à réaliser ce film ?
J’étais un ado dans les années 90. Tous les Suisses de ma génération, qu’ils soient romands, alémaniques et même tessinois, ont un lien direct ou indirect avec le Platzspitz. Dans mon cas, il s’agit d’un camarade tombé dans l’héroïne à cette époque et qui n’est jamais rentré du Platzspitz. Lorsqu’en 2013 est parue l’autobiographie de Michelle Halbherr intitulée « Platzspitzbaby », j’ai tout de suite senti qu’il y avait là matière pour un film et qu’il était temps que la fiction s’empare de ce chapitre sombre de l’histoire de notre pays.
Le cœur battant du scénario est la relation entre une mère, ancienne héroïnomane tentée de replonger, et sa fille de 11 ans « délocalisées » après la fermeture du parc.
La formule peut surprendre, mais on peut parler d’addiction dans le rapport qu’entretient Mia avec sa mère. À vrai dire, il s’agit avant tout du besoin fondamental que constitue l’amour maternel pour un enfant. Quand ce dernier lui est refusé, il est prêt à tout pour l’obtenir, tel un toxicomane en état de manque.
Aujourd’hui, le parc de Platzspitz obtient sur TripAdvisor la note de 4 sur 5 pour son calme, son hygiène et sa beauté. Que vous inspire ce « retournement de situation » ?
Il s’agit d’une ironie tout à fait helvétique. Elle nous rappelle que, sous ses airs de carte postale idyllique, notre pays cache beaucoup de tragédies et d’histoires douloureuses que l’on préférait parfois un peu trop vite oublier.