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« c’est un film d’horreur où j’ai remplacé les coups de couteaux par les coups de cœurs » – Nicolas Bedos

Mascarade

En salle le

2 novembre 2022

De

Nicolas Bedos

Avec

Pierre Niney, Isabelle Adjani, François Cluzet

Genre

Comédie dramatique (2 H 14)

Distributeur

Pathé

Lorsqu’un jeune gigolo tombe sous le charme d’une sublime arnaqueuse, c’est le début d’un plan machiavélique sous le soleil brûlant de la Côte d’Azur.

Présentée au dernier Festival de Cannes, une comédie spectaculairement grinçante où Nicolas Bedos renoue avec la vigueur humoristique de ses débuts.

« Je rêve de réaliser des films depuis l’âge de 13 ans », dit-il. « Je suis passé par des chemins de traverse, mais je ne le regrette pas car ça m’a largement donné le temps de savoir précisément quel genre d’histoires je voulais raconter – et comment. »

UN PÈRE ET PASSE

Né en 1979 à Neuilly-sur-Seine, Nicolas Bedos a longtemps souffert de son patronyme et de l’ombre écrasante que la célébrité de son père Guy projetait sur lui : « Ça me paralysait dans tous les compartiments de ma vie, à l’école comme auprès des filles. » Unique moyen de s’en émanciper : « D’abord faire comme lui, puis mieux que lui, et enfin autre chose que lui. » C’est donc après une entrée dans l’âge adulte placée sous le signe de la dispersion et de la dépression que, en pulvérisant les limites de l’humour cash, sexiste et incorrect sur les plateaux télé (chez Laurent Ruquier), en librairies (« Le Journal d’un mythomane », « La Tête ailleurs ») au théâtre (« Sortie de scène », « Le Voyage de Victor ») et, de façon moins éclatante, au cinéma (« Populaire », « Amour et turbulences »), qu’il a aiguisé son verbe, sa plume et ses pulsions d’interprète, quitte à en horripiler beaucoup.

DÉBUTS EN FANFARE

Il ne s’en cache pas : son passage à l’acte en 2017 avec « Monsieur & Madame Adelman » est né de sa relation passionnelle et tumultueuse avec Dora Tillier, aspirante comédienne surtout connue à ce moment-là pour avoir été une anthologique Miss Météo dans « Le Grand journal » sur Canal+ : « Tout est parti des improvisations qu’on s’amusait à faire ensemble depuis des années, comme ça, pour s’amuser, pour exorciser nos angoisses concernant l’avenir, la famille, la vieillesse, l’infidélité. » Résultat : une citation au César de la première œuvre et, surtout, de la meilleure actrice pour les tout débuts sur grand écran de l’intéressée. Fou de rage de constater via les réseaux sociaux que sa muse n’avait pas été retenue parmi les présélectionnées de la catégorie « espoirs », Nicolas Bedos ignorait qu’elle entrerait quelques semaines plus tard directement dans la cour des grands : « La plus belle surprise de ma vie, un absolu de bonheur et de fierté. »

EN PLEIN CŒUR

L’idée de son film suivant « La Belle époque » a été le fruit d’une conjonction à entrées multiples. « L’écho de quelques proches, de mes parents en général, de mon père en particulier, et de moi aussi, par certains côtés, explique-t-il. Puis une image m’est venue, celle d’un homme vieillissant auquel sa femme reproche d’être déconnecté de son temps et qui, en traversant un couloir, débouche dans une petite pièce où tout le ramène aux années 70, une sorte de bulle de protection régressive qu’il s’est lui-même fabriquée. » Réputé pour son narcissisme médiatique, il reconnaît avoir provoqué « une certaine confusion » au fil de chroniques et de livres où il poussait l’autofiction dans ses derniers retranchements « pour le plaisir du bon mot, de la provocation, du cabotinage ». Mais cette fois, promis juré, c’est une histoire « inventée de toutes pièces remplie de sentiments très personnels ». D’où, contrairement à « Monsieur & Madame Adelman », sa décision de ne pas tenir dans son film le rôle crucial du réalisateur dévolu à Guillaume Canet : « Les thèmes abordés dans le scénario étaient si proches de moi que ça aurait été un pléonasme, et puis je voulais aussi profiter davantage de mon équipe technique. »

RETOUR AUX SOURCES

Alors que l’Académie des Césars lui a offert sa légitimité de cinéaste en lui attribuant personnellement le César du meilleur scénario original, c’est à des milliers de kilomètres de l’Hexagone qu’il a ensuite embrayé sur le tournage de sa mise en scène suivante, l’inattendu « OSS 117 – Alerte rouge en Afrique noire » où Jean Dujardin se retrouva flanqué de Pierre Niney. Après la complexité assumée de ses deux premiers, il avait selon ses propres termes « envie d’une récréation, de champagne, de plaisir ». Le résultat n’a pas vraiment été au niveau de ce qu’on était en droit d’espérer de sa part, mais peu importe. Avec une soif de cinéma que rien ne semble pouvoir étancher, Nicolas Bedos a enchaîné sans reprendre son souffle ou presque sur le présent « Mascarade », où il retrouve pour la première fois l’esprit satirique, grinçant, incorrect et parfois même cruel de ses grandes heures cathodiques. « C’est l’adaptation d’un livre que j’ai vainement tenté d’écrire pendant un an et qui relatait de façon très romancée une période assez navrante de ma vie, vers l’âge de 23 ans, quand je me noyais dans l’oisiveté et l’argent des autres, explique-t-il. L’histoire d’un paumé entretenu par des femmes plus âgées qui va tomber raide dingue d’une paumée entretenue par des types plus âgés, leur aventure débouchant sur une vaste manipulation amoureuse. »  Résultat, une comédie résolument adulte où le rire prend souvent une tournure très inattendue. « Pour les grands romantiques qui m’entourent, c’est un film d’horreur !, dit-il. J’ai juste remplacé les coups de couteaux par les coups de cœurs. » Mais attention : qu’on ne prenne surtout pas les situations parfois très poussées qui s’abattent sur le tandem vedette incarné par Pierre Niney et Isabelle Adjani pour une reconstitution strictement autobiographique ! « C’est certes un film personnel, mais pas uniquement dans le sens de choses que j’ai vécues, explique-t-il. Il y en a beaucoup d’autres que j’ai observées ou qui m’ont été racontées par quelqu’un les ayant vécues de l’intérieur. »

Au cas où certains, dont lui-même au premier chef, en douteraient encore, les choses sont désormais claires, incontestables, définitives. Qu’on se le dise : Nicolas Bedos s’est bel et bien fait un prénom.