Wetlands

En salle le

9 septembre 2020

De

Stephan Rytz

Genre

Documentaire (1 h 30)

Luc Hoffmann, héritier du groupe pharmaceutique suisse Roche, était avant tout un ornithologue et scientifique passionné. Il a été le premier à lancer des études dans les années 1950 pour démontrer l’importance des zones humides. En effet, il a découvert que ces biotopes sont les réservoirs de biodiversité les plus productifs au monde et sont indispensables à la survie de l’homme sur terre. Ce film nous emmène à la rencontre de Luc Hoffmann, humaniste et visionnaire, qui a choisi de mener le combat pour la protection des zones humides en toute discrétion sans jamais chercher les honneurs ni les récompenses. Il fait la lumière sur son oeuvre immense et permettra de comprendre l’importance capitale des zones humides qui sont une réponse évidente aux enjeux climatiques de demain.

Histoires d’eau

Amoureux de la nature, passionné par le monde du reportage et du documentaire depuis son plus jeune âge, Stephan Rytz ne poursuit qu’un seul objectif : développer la conscience publique sur l’importance de la sauvegarde de notre planète. En se penchant sur les travaux du grand ornithologue et scientifique suisse Luc Hoffman, il réussit un splendide documentaire voyageur,  insiste sur le rôle crucial des zones humides dans l’équilibre de la nature… Et vous offre le beau texte suivant.

« Le GPS de ma voiture m’arrêtait au bout d’un chemin de terre au milieu de la Camargue. Je venais de rouler sur des kilomètres à travers champs, rizières et roselières à perte de vue. Luc Hoffmann m’avait invité à venir visiter le laboratoire scientifique de la Tour du Valat dans le but d’y réaliser un film présentant son histoire et les actions menées au fil des 60 dernières années. Le soir même, j’étais confortablement installé à table en sa compagnie lorsque le vieil homme demanda qu’on ouvre la fenêtre qui donnait directement sur le jardin. En ce soir de mai 2014, nous écoutâmes un long moment le rossignol chanter. C’était pour lui le meilleur moment de la journée. Luc Hoffmann, était ainsi. Un homme passionné et humble. Un ornithologue, un scientifique et un humaniste exceptionnel qui a dédié toute sa vie à l’étude et à la protection de notre environnement.

De retour en Suisse, je me suis donc plongé dans l’histoire de la Tour du Valat, la station biologique indépendante que Luc Hoffmann avait créée dans le but d’étudier les écosystèmes de Camargue. A cette époque, les scientifiques s’intéressaient principalement aux forêts, pensant qu’elles étaient les écosystèmes les plus importants pour la planète. Mais, guidé par son amour pour les oiseaux d’eau, Luc Hoffmann était le premier à s’intéresser et à étudier les zones humides. Son objectif était de démontrer que leur protection était vitale pour l’homme. Comment ? Le marais en bas de chez moi est donc vital ? Je me documente alors un peu et découvre que les zones humides – wetlands en anglais – ne se résument pas seulement à ces plans d’eau stagnants et marécageux, aux odeurs parfois nauséabondes. Les lagunes, les tourbières, les lacs, les rivières, les plaines inondables, les mangroves, les zones côtières et marines sont aussi des zones humides. Elles ne recouvrent que 6% de de la surface émergée du globe et renferment pourtant plus d’un tiers de la biodiversité mondiale !

En creusant un peu plus, j’apprends que les zones humides rendent des services immenses à l’homme. Elles sont tout d’abord une source d’eau potable importante et filtrent naturellement les déchets organiques. Elles protègent la production alimentaire, comme par exemple le riz qui est la nourriture de base de 3 milliards de personnes. Elles répondent aux problématiques climatiques en agissant comme des éponges naturelles durant les inondations ou en atténuant la vitesse et la hauteur des ondes de tempête, des ouragans et des tsunamis. A elles seules, les mangroves stockent 50 fois plus de carbone que les forêts tropicales. Enfin, les zones humides sont à la base de plus d’un milliard d’emplois, soit un tiers de la force de travail mondiale ! Les récentes études ont démontré que la valeur économique des zones humides est 5 fois plus élevée que celle des forêts tropicales et que 1/7 de la population mondiale en dépend directement. Toutes ces informations me donnent le tournis. Alors que le monde fait face à l’une des plus grandes crises écologiques, comment se fait-il que l’on parle rarement de l’importance des zones humides ? Luc Hoffmann, lui, avait déjà compris depuis longtemps les dangers que représentaient la destruction des ces milieux si particuliers.

 

Et c’est ainsi que l’idée de raconter son histoire m’est venue.

J’ai d’abord cherché à comprendre comment Luc avait découvert ce que les autres ignoraient. La réponse était au-dessus de ma tête. Les oiseaux ! Dans leur migration, les oiseaux suivent les cours d’eau et se regroupent sur des marais, des lagunes ou des bancs de sable à proximité des côtes pour profiter de la nourriture. Dans sa quête, Luc Hoffmann a suivi les routes migratoires des oiseaux qui l’ont amené en dehors des frontières de la Camargue.  Après le delta du Rhône, je suis donc parti à la découverte des quatre autres sites pour lesquels Luc Hoffmann s’est particulièrement investi : le Coto Doñana en Espagne, les lacs Prespa au nord de la Grèce, le Banc d’Arguin en Mauritanie et l’archipel des Bijagos en Guinée-Bissau. Ces sites m’ont permis de comprendre toute l’étendue de l’importance écologique des zones humides et des services écosystémiques qu’elles apportent à l’homme. Ces services sont bien différents en fonction des régions visitées. J’ai été subjugué devant la sublime beauté des paysages et découvert une nature que je n’imaginais pas. J’ai alors compris à quel point l’idée que je me faisais des zones humides était erronée.

Toutes les images réalisées dans ce film ont été faites dans le plus strict respect de la nature, de l’environnement et des animaux. Aucune espèce imprégnée n’a été utilisée pour tourner les images. Nous avons pratiqué des approches discrètes en présence des scientifiques et installé des affûts pour qu’aucun animal ne soit dérangé. Mon objectif était de montrer la nature réelle telle comme tout un chacun peut la voir et, surtout, comment Luc Hoffmann aimait l’observer. Mais la sauvegarde de patrimoines naturels exceptionnels n’était pas la seule motivation de Luc Hoffmann. L’aspect humain était également un point essentiel qui l’a poussé à étudier les zones humides. Dès le départ, dans les années 50, la conviction de Luc était qu’il fallait considérer la protection de l’environnement de manière globale, incluant et interagissant avec l’activité de l’homme. C’était les prémices de ce qu’on appellera plus tard « le développement durable ».

Lors de son ultime interview en octobre 2014 pour le film sur la Tour du Valat, Luc Hoffmann me confiait : « Il est impensable d’imaginer que l’homme protégera la nature si on ne lui fait pas comprendre qu’il peut en retirer des avantages ! » Faire comprendre. C’était l’une de ses grandes forces. Les différentes personnes que j’ai rencontrées au court de mes tournages sont unanimes. Luc n’imposait jamais ses idées, il les suggérait. Il avait ce don immense de transmettre l’importance des choses de manière à ce que les décisions soient prises par les autres. La discrétion et l’humilité caractérisait ce grand homme. Il n’a jamais cherché les honneurs ni les récompenses, préférant œuvrer dans l’ombre et laisser les autres sous le feu des projecteurs.

C’est dans ce même esprit que l’oeuvre peu connue de Luc Hoffmann est présentée dans ce film. L’objectif est de permettre au public de découvrir le personnage au travers des témoignages de personnes qui ont gravité autour de lui.

Stephan Rytz